Histoire

Chronologie des principaux développements dans la lutte pour établir un système international de responsabilité des entreprises transnationales pour les violations des droits humains:

1972-1992

Depuis le début des années 1970, il y a eu des efforts concertés pour développer des systèmes internationaux contraignants pour réglementer les entreprises pour leurs violations des droits humains. Les révélations que ITT Incorporated a été de connivence avec la CIA pour fomenter un coup d'Etat militaire au Chili ont incité à créer  une Commission sur les entreprises transnationales, et un centre affilié sur les entreprises transnationales en 1972. 

Grâce aux réunions de la Commission, il y eu des efforts pendant plus d'une décennie pour élaborer un code de conduite sur les entreprises transnationales (STN) . Une fois que le texte a été finalisé en 1990, il y avait de la résistance de certains États en 1992 à l'idée qu'ils pourraient être tenus de ratifier le Code et de l'appliquer au niveau national . Cela signifiait la fin de la tentative d'établir un système de règles contraignantes par la Commission des entreprises transnationales. Les activités du Centre sur les entreprises transnationales ont finalement été transférées à la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED).

1998-2004

En 1998, la Sous- Commission de la promotion et de la protection des Droits de l’Homme, un organe subsidiaire de la Commission des Droits de l'Homme (remplacée plus tard par le Conseil des Droits de l'Homme), a établi un groupe de travail pour « examiner les effets des entreprises transnationales sur les droits humains ». En 1999, ce groupe de travail a mis sur pied un code de conduite. Lors du renouvellement du mandat du groupe de travail par la Sous- Commission en 2001, la résolution a exigé du groupe de travail qu’il analyse et élabore des normes pour l'établissement d'un mécanisme de suivi qui appliquerait des sanctions à l’encontre des entreprises transnationales si nécessaire.

En 2003, la Sous-commission approuva les normes établies par le groupe de travail, et les transmit à la Commission des Droits de l'Homme pour examen aux fins d'approbation. Les normes ont désigné un système international non volontaire de la réglementation pour les violations des droits humains des entreprises. Elles ont été largement soutenues par la société civile, mais furent rigidement contesté  par certains du secteur des entreprises. En particulier, l'Organisation internationale des employeurs et la Chambre de commerce internationale ont désigné ces normes « contre-productives .

En 2004, la Commission des Droits de l'Homme a félicité la Sous-commission pour son travail, mais en fin de compte, cette Commission a indiqué que les normes n'avaient n’ayant «aucune valeur juridique», ce qui a contrecarré la seconde grande tentative de passer à un système international de règles contraignantes pour contrôler les violations des droits humains par les entreprises.

2005-2011

En 2005, Kofi Annan, alors Secrétaire Général des Nations Unies, nomma le professeur John Ruggie ( premier auteur de 2000 volontaires « Global Compact ») Représentant Spécial du Secrétaire Général sur la question des droits de l' homme et des entreprises transnationales et autres entreprises ( RSSG ) . A la fin de son premier mandat, le RSSG a proposé un cadre de référence « protéger, respecter et réparer » au Conseil des Droits de l'Homme des Nations Unies, lors de la session de juin 2008.

A la fin de son second mandat, en juin 2011, le RSSG  a présenté les Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux Droits de l'Homme au Conseil des Droits de l'Homme, qui étaient censés rendre opératoire le cadre de référence présenté en 2008. Au Conseil, les Etats ne s’opposèrent pas aux Principes directeurs, même s’ils reçurent  de fortes critiques des organisations de la société civile à l'approche de la session de Juin. Dans une déclaration commune, émise après la publication  des Principes directeurs au début de 2011, ils déclarèrent que «la proposition des Principes directeurs n'est pas une déclaration de loi. Dans certaines régions, la proposition des Principes directeurs adopte une approche plus régressive des obligations des Etats relatives aux droits humains et des responsabilités des acteurs non étatiques plutôt que des interprétations faisant autorité concernant le droit international des droits humains et les pratiques actuelles " , et "ceci risque de saper les efforts pour renforcer la responsabilité des entreprises et leur transparence pour les Droits de l'Homme".

Développements récents: 2013-2015

En septembre 2013, ungroupe de pays, principalementd'Amériquelatine, d'Afrique, du monde arabeet de l'Asie(conduit initialement par le gouvernementde l'Équateur, etincluantleGroupe africain, leGroupe des États arabes, le Pakistan, le Sri Lanka, le Kirghizistan, Cuba, le Nicaragua, la Bolivie, le Venezuelaet le Pérou) ont publié une déclarationappelant à la reconnaissanceque "l’ augmentation des cas de violations des Droits del'Homme et des abus commis par quelques entreprises transnationales nous rappelle la nécessité d’aller de l’avant vers un cadre juridique contraignant afin de réguler le travail des entreprises transnationales et de fournir une protection appropriée, la justice et la réparation aux victimes d’abus résultant directement ou liés aux activités de quelques entreprises transnationales et autres entreprises".

De plus, les Principes directeurs ont été une première étape, mais sans un instrument juridiquement contraignant , cela restera seulement cela : une «première étape» sans autre conséquence . Un instrument juridiquement contraignant devrait fournir le cadre pour renforcer l'action de l'Etat pour protéger les droits et prévenir la survenue de violations.

En novembre 2013, un groupe de plus de 140 organisations de la société civile a publié une déclaration commune appelant à un instrument juridiquement contraignant pour prévenir les atteintes aux droits humains commis par les entreprises et que cet instrument soit établi par un groupe de travail intergouvernemental à composition non limitée.  

En juin 2014, le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies a adopté la résolution 26/9  établissant un groupe de travail intergouvernemental à composition non limitée chargé de développer un instrument juridiquement contraignant sur les entreprises et les droits humains. Le mandat du groupe de travail intergouvernemental est d'élaborer un traité pour réglementer "les sociétés transnationales et autres entreprises." La résolution, qui a été coparrainée par l'Équateur et l'Afrique du Sud, a été adoptée par un vote affirmatif de 20 Etats membres du Conseil de droits de l’homme, tandis que 13 Etats se sont abstenus et que 14 ont voté contre. Les Etats membres ont voté comme suit: Algérie, Bénin, Burkina Faso, Chine, Congo, Côte d'Ivoire, Cuba, Éthiopie, Inde, Indonésie, Kazakhstan, Kenya, Maroc, Namibie, Pakistan, Philippines, Russie, Afrique du Sud, Venezuela et Vietnam (en faveur); Argentine, Botswana, Brésil, Chili, Costa Rica, Gabon, Koweït, Maldives, Mexique, Pérou, Arabie Saoudite, Sierra Leone et Émirats arabes unis (abstention); Autriche, République tchèque, Estonie, France, Allemagne, Irlande, Italie, Japon, Monténégro, Corée du Sud, Roumanie, Macédoine, Royaume-Uni et Etats-Unis (contre).

Entre mai et juin 2015, environ 900 organisations et individus de la société civile ont signé la seconde déclaration conjointe de la Treaty Alliance, qui appelle le groupe de travail intergouvernemental à prendre des mesures spécifiques afin d’assurer une protection efficace des droits humains et de prévenir et remédier aux abus des entreprises. Cette seconde déclaration fait suite à la mobilisation de 2013-2014, lorsque plus de 1000 signataires avaient appelé l'ONU à adopter la résolution 26/9 et à entamer des négociations en vue de l’adoption de normes internationales contraignantes sur les entreprises et les droits humains.

Lectures complémentaires: 

Washington Post (March 21, 1972) 'Memos Bare ITT Trys for Chile Coup'.  

See Generally: UN Center on Transnational Corporations (UNCTC) within the United Nations Conference on Trade and Development (UNCTAD)

UNCTAD, World Investment Report: Transnational Corporations & Integrated International Production (pages 32-33)

Weissbrodt, David (2003) 'Current Development: Norms on the responsibilities of transnational corporations and other business enterprises with regard to human rights', 97 American Journal of International Law 901, pp. 3-4.

Joint Civil Society Statement on the draft Guiding Principles on Business and Human Rights, January 2011. 

"Statement on behalf of a Group of Countries at the 24rd Session of the Human Rights Council", September 2013. 

"Joint Statement: Call for an international legally binding instrument on human rights, transnational corporations and other business enterprises".